Mon travail, ancré dans une réinterprétation subréaliste et non conventionnelle de Van Gogh, incarne une dialectique entre tradition et modernité, matérialité et virtualité, désespoir et résilience. En hybridant peinture acrylique sur carton (rappel de l’artisanat post-impressionniste) et animation numérique, je crée un palimpseste visuel où les strates techniques symbolisent des couches de sens philosophiques : le feu intérieur, qui persiste sur les cendres du rejet et de l’obscurité.
1. Abstraction subréaliste et dualité existentielle
La superposition du tracé découpé à la main sur l’œuvre originale de Van Gogh évoque une archéologie de l’émotion. Le paysan de Van Gogh, symbole du labeur et de la lutte, devient ici une silhouette spectrale animée, transformée par des projections numériques fluctuantes. Ce choix formel reflète une abstraction qui transcende la réalité sans la nier : les flammes, autrefois littérales chez Van Gogh, sont ici transfigurées en motifs digitaux pulsants, symboles d’une énergie vitale inaltérable. La technique mixte incarne la coexistence des contraires — destruction/création, chaos/harmonie — chère à Van Gogh, tout en actualisant sa quête d’universalité à travers le prisme numérique.
2. Xanthopsia : utopie perceptive et éthique de la lumière
Le titre de la collection (vision jaune) renvoie à une hallucination chromatique dominée par le jaune — couleur omniprésente chez Van Gogh, associée à l’espoir et à la folie créatrice. Ma réinterprétation transpose cette « anomalie » sensorielle en allégorie de la résistance au cynisme. Ici, le jaune n’est plus seulement un pigment, mais une lumière processuelle : l’animation numérique insuffle une dynamique temporelle à la toile statique, suggérant que la positivité se cultive activement, comme un feu alimenté image par image. Cette approche rejoint la philosophie stoïcienne de l’amor fati — aimer son destin même dans l’adversité — mais l’enracine dans une esthétique digitale, où chaque image devient un acte de persévérance.
3. Réinvention méditative et héritage transformé
En intégrant une dimension contemplative (via la texture organique de la peinture) et une interactivité latente (l’animation suggérant un mouvement infini), je questionne la durabilité de l’art classique. Van Gogh, qui percevait la nature comme un champ de forces contradictoires, est ici réinterprété à travers une écologie des médias : le carton évoque la fragilité, le numérique l’éphémère, mais leur fusion crée une permanence dialectique. L’œuvre ne se contente pas de produire un hommage ; elle simule un dialogue avec le maître, où la compassion et la bienveillance deviennent des algorithmes visuels, des boucles animées défiant l’immobilité.
4. Philosophie du feu : du bûcher à la régénération
Le titre Cultivating Fire résonne comme un manifeste. Pour Van Gogh, brûler les mauvaises herbes était un geste agricole, une métaphore de purification. Je le transforme en acte de préservation : le feu n’est plus destructeur mais intérieur, énergie de transformation. L’acrylique, par son opacité, contraste avec la translucidité numérique, illustrant la tension entre l’opacité du vécu et la clarté de l’intention. Cette dualité reflète l’ambivalence humaine, mais aussi l’idée que l’art, comme le feu, nécessite un combustible (l’expérience) et un souffle (la technique) pour persister.
Conclusion : un humanisme numérique
Xanthopsia dépasse le simple hommage pour proposer une ontologie artistique où l’altération perceptive devient un outil de lucidité. En mêlant gestes artisanaux et abstraction digitale, je mets à jour la leçon de Van Gogh : l’art comme exutoire et miroir des conflits intérieurs. Cultivating Fire n’est pas une célébration naïve de la positivité, mais une reconnaissance active de la complexité — une invitation à embrasser les paradoxes pour mieux transcender l’obscurité.
Hommage à : Van Gogh – Peasant Burning Weeds
À voir dans sa version originale au Drents Museum